Cultiver et observer les droits culturels: deux démarches en Fédération Wallonie-Bruxelles (Article)

Un article de Morgane Degrijse (Culture & Démocratie), Valérie Lossignol (Central), Pascale Pierard (Centre Culturel Ourthe et Meuse), Liesbeth Vandersteene (Astrac) publié dans la revue Lectures.Cultures n°27 (Mars-Avril 2022).

Répondant au besoin de cheminer vers une « culture commune » des droits culturels, quelques démarches fleurissent ces derniers temps en Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB),  dont :

  • le cycle de rencontres « Cultiver les droits culturels. Expérimenter Paideia » co-organisé par l’ASTRAC et Culture & Démocratie dans le cadre de la Plateforme d’observation des droits culturels ;
  • la recherche participative menée par la Plateforme d’observation des droits culturels en collaboration avec six centres culturels en FWB dont une première étape fondamentale s’est conclue fin 2021.

Cet article propose d’en apprendre un peu plus sur ces initiatives différentes et complémentaires qui interrogent les droits culturels, les mettent au travail et permettent de mieux les (faire) connaître, auprès des centres culturels et les équipes, mais aussi au-delà de ce seul secteur.

Pour rappel, les droits culturels font leur entrée en scène dans le secteur culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles avec le Décret des centres culturels de 2013. Ils deviennent un référentiel pour les travailleur·se·s de ce secteur et ne cessent – depuis neuf années maintenant – de susciter des enthousiasmes mais également certaines réserves et surtout des interrogations quant à leur traduction en actes. À ce jour, parmi les différents secteurs de la culture, seuls les centres culturels sont concernés par une approche guidée de manière aussi explicite par les droits culturels ; une situation qui leur complique le chemin. Une autre difficulté est liée au fait que les droits culturels définis dans le Décret des Centres culturels ne s’imbriquent que partiellement dans ceux énoncées dans la Déclaration de Fribourg (2007), un document international de référence même s’il ne s’agit pas d’une source de droit au sens strict. Les différences et les similitudes entre ces deux textes fondamentaux pour les Centres culturels pourrait faire l’objet d’un autre article.

Cultiver les droits culturels – Expérimenter Paideia

Depuis 2012, la démarche Paideia développée par Réseau Culture 21 en partenariat avec l’Observatoire de la diversité et des droits culturels de Fribourg propose un accompagnement pour analyser et faire évoluer les pratiques professionnelles des acteurs publics et associatifs en France, au regard des droits culturels tels qu’énoncés dans la Déclaration de Fribourg. Quinze années de travail dans différents territoires ont donné lieu à la réalisation, par les acteurs de terrain, de plus de deux cent « cas d’école » qui ont pu servir de base à l’écriture de politiques territoriales au regard des droits culturels.

Convaincu que cette expérience peut contribuer à faciliter le développement de dynamiques de droits culturels en Fédération Walonnie-Bruxelles aussi, l’ASTRAC et Culture et Démocratie, dans le cadre de la Plateforme d’observation des droits culturels, ont lancé le cycle de travail « Cultiver les droits culturels » pour faire découvrir et tester Paideia en FWB.

Le cycle a démarré à l’occasion d’une journée de rencontre le 16 novembre 2021 à Namur1. Une cinquantaine de travailleur·se·s, une bonne moitié ­ issu·e·s des centres culturels, le reste d’autres horizons (maisons de jeunes, maison médicales, représentants de l’Administration…), y ont pu découvrir ou approfondir les droits culturels de la Déclaration de Fribourg dans le cadre d’ateliers ludiques. Le 8 février 2022, un deuxième rendez-vous, à l’occasion de la Jpro2022 de l’ASTRAC, proposait une table ronde sur l’effectivité des droits culturels et l’exercice de la démocratie en temps de pandémie ainsi qu’un atelier participatif pour analyser collectivement une action au regard des droits culturels en tant que point de départ pour l’étude d’un cas d’école.2 Trois autres rencontres au moins permettront dans le courant des deux années suivantes d’aller plus loin dans la prise en main des outils de Paideia et de mettre en commun des expériences de terrain et des réflexions.

Parallèlement à ces rencontres, « Cultiver les droits culturels » vise à animer une dynamique pour encourager et accompagner celles et ceux qui souhaitent aller plus loin dans l’analyse de leur pratiques au regard des droits culturels en réalisant une étude de cas d’école.

Le cycle est ouvert à la participation de tous – professionnel·les de la culture, de l’éducation permanente, de l’action sociale… et leurs complices. Il vise à constituer un « noyau dur » de participants qui s’engagent dans la durée tout en permettant un participation à géométrie variable. Pour cela, il propose des espaces de construction collective ouverts et flexibles où chacun doit pouvoir – pour citer la philosophe française Joëlle Zask – « prendre part, apporter sa part et recevoir sa part »3. En chemin avec les droits culturels, les partenaires porteurs du projet y seront des apprenants parmi les autres, qui bénéficieront de l’accompagnement expérimenté de l’équipe de Réseau Culture 21 mais aussi et surtout des expériences, des connaissances et des savoir-faire des autres participants. Pour approfondir leurs connaissances des droits culturels et de la méthode Paideia, ils participent à une série de six modules de formation-action organisée par Réseau Culture21 en France.

Observer les droits culturels

Créée en 2019 et pilotée par l’association d’Éducation permanente Culture & Démocratie, la Plateforme d’observation des droits culturels se présente comme un espace interdisciplinaire de réflexion et d’échange en matière de droits culturels. Constituée de membres issu·e·s du monde académique, de l’associatif et de l’Administration publique, elle mène des actions de recherche et de sensibilisation aux droits culturels, en collaboration avec des partenaires variés. Elle apporte ainsi sa pierre à la fabrique d’une culture commune des droits culturels en Fédération Wallonie-Bruxelles, encore loin d’être une évidence bien qu’ils soient identifiés comme boussole des politiques culturelles4.

La première recherche participative, menée en 2019-2021 avec six centres culturels (L’Entrela’ et le Jacques Franck à Bruxelles ; les centres culturels Ourthe et Meuse, de Genappe, de Fosses-la-Ville et la Maison culturelle d’Ath en Wallonie), s’est attaquée à la vaste question : « Comment observer l’exercice des droits culturels ? » Question fondamentale pour le secteur, particulièrement depuis le Décret du 21 novembre 2013 qui place officiellement ces droits humains fondamentaux au cœur de ses missions, impliquant notamment l’exigence de rendre compte des impacts de l’action en termes d’exercice des droits culturels des populations.

Un des enjeux de cette recherche est de partir des expériences concrètes de terrain pour co-construire une approche des droits culturels, une méthodologie d’observation de leur effectivité, qui puisse être transposable à d’autres champs de recherche, comme l’Éducation permanente, la Lecture publique, la Création, etc. Mettre la théorie des droits culturels à l’épreuve du réel, en valorisant l’expertise issue de la pratique des travailleurs et travailleuses du secteur.

Un rapport final de recherche sera publié en ligne début 2022 ainsi qu’une version simplifiée, appuyée et complétée par des capsules audio. Ces dernières sont basées sur les interventions des partenaires lors de la journée « Parlez-vous droits culturels ? » qui a eu lieu le 13 décembre 2021 au PointCulture Bruxelles, organisée en collaboration avec la Concertation asbl et l’Association Marcel Hicter5.

Constats préliminaires

  • Plusieurs conceptions des droits culturels coexistent au sein du travail des centres culturels. Une clarification du référentiel serait souhaitable.
  • Les droits d’accéder et de participer à la vie culturelle sont largement intégrés dans les pratiques des centres culturels, sans que leur évaluation ne semble poser de problème. Il en va autrement pour la plupart des autres droits culturels, moins bien connus et appropriés.
  • L’observation externe de l’effectivité des droits culturels possède des limites : la récolte de parole des populations participant aux actions du centre culturel est un élément essentiel de l’évaluation de l’effectivité des droits culturels.
  • La première étape de l’élaboration d’une méthodologie d’observation de l’exercice des droits culturels est de réaliser l’inventaire des pratiques existantes.
  • Les centres culturels sont les seuls opérateurs du territoire à être responsables (par décret) de la mise en œuvre des droits culturels. Il faut aspirer à une répartition plus égale de cette responsabilité.

Le cœur de la recherche est donc constitué d’un inventaire des différents dispositifs mis en place par les centres culturels partenaires pour évaluer ou observer l’effectivité des droits culturels au sein de leurs actions. En se basant sur le discours des centres culturels, quatre grandes modalités d’évaluation de l’effectivité des droits culturels d’un groupe de personnes peuvent être distinguées :

  1. Les évaluations globales sur le long terme avec des outils comme la boussole, le radar, la cible ou le baromètre des droits culturels, des fiches projets, des grilles d’évaluation et des dispositifs d’animation variés ;
  2. les observations des animateur·ice·s et chargé·e·s de projets ;
  3. les évaluations formelles réalisées sur le terrain avec les participant·e·s ;
  4. les témoignages directs des participant·e·s.

Dans la plupart des cas, ces processus se superposent, sont mis en place de manière plus ou moins formelle et systématique en fonction des affinités du centre culturel mais aussi de la disponibilité de ses ressources humaines, financières et temporelles.

Une grande confiance est accordée à l’intelligence du regard des travailleur·se·s pour l’observation directe des impacts de l’action en termes de progression, de stagnation ou de recul de l’exercice des droits culturels. Ces dernier·e·s peuvent avoir en tête un certain nombre de critères prédéfinis auxquels faire attention (le nombre de participant·e·s, les manières dont ils s’impliquent, communiquent et interagissent, les éventuels changements de comportement ou d’habitude, etc.) mais se basent également sur leur instinct, leur connaissance fine du territoire et des gens, leur propre sensibilité à ce qui les entoure.

Concernant l’évaluation de l’effectivité des droits culturels, les centres culturels s’accordent notamment sur la fécondité des interactions et du croisement des points de vue des habitant·es, des équipes, des partenaires, des politiques, des artistes, mais aussi d’opérateurs d’autres secteurs, ainsi que sur l’importance de la réaliser sur le long terme, dans des temporalités variées.

Ayant notamment identifié des besoins d’outils ludiques pour « parler de droits culturels sans parler de droits culturels », d’appuis méthodologique pour observer l’effectivité des droits culturels, la Plateforme entend continuer ses actions dans ce sens, notamment avec l’organisation de moments de rencontres et d’échanges de pratiques entre pairs comme « Cultiver les droits culturels ».


1. Voir : https://plateformedroitsculturels.home.blog/2021/09/30/cultiver-les-droits-culturels-experimenter-paideia-j1-16-11-2021/

2 Voir : http://astrac.be/notre-action/jpro2022-programme-inscriptions-infos-pratiques/

3 Joëlle Zask, Participer. Essai sur les formes démocratiques de la participation, Paris, Le Bord de l’eau, 2011

4 Voir le Rapport « Un futur pour la culture » de juillet 2020 : https://linard.cfwb.be/files/Documents/futur-culture.pdf

5 Cette journée avait notamment pour enjeu de présenter les travaux de la Plateforme et de les situer au sein d’une constellation d’approche des droits culturels. Voir le programme complet : https://plateformedroitsculturels.home.blog/2021/11/23/parlez-vous-droits-culturels-13-decembre-2021/

Cultiver les droits culturels – 16/11/2021

Cultiver les droits culturels – Expérimenter Paideia*

Les droits culturels : des droits humains fondamentaux consacrés dans différents textes internationaux, portés par une vision de la culture qui cherche à garantir à chaque personne la reconnaissance de sa dignité ancrée dans son identité culturelle particulière et multiple.

Mais que sont ces droits concrètement ? Pourquoi et comment les faire vivre et les traduire dans nos pratiques quotidiennes ? Comment les partager et faire réseau ensemble ?

Un cycle de 5 rencontres abordera ces questions et celles que chacune et chacun apportera.

Nos expériences concrètes, nos interrogations face aux références théoriques et méthodologiques y seront autant d’atouts pour nous aider à cheminer singulièrement et collectivement, guidé·es par la démarche Paideia*.

Une initiative de l’ASTRAC et de la Plateforme d’observation des droits culturels (Culture & Démocratie), accompagnée par Réseau Culture 21.


Journée 1 : 16/11/2021

« Explorer, défricher »
Introduction aux droits culturels

Une journée d’échanges et de réflexion collective.

Une mise en jeu des droits culturels pour s’emparer de chaque droit à partir de ses propres représentations et pratiques.

Pour exprimer, partager et confronter les différentes questions qu’ils évoquent.


Programme détaillé
  • 9h: accueil
    café/thé
  • 9h30: début de la rencontre
    « Entrée en matière »
    Interventions : Morgane Degrijse (Plateforme d’observation des droits culturels – Culture & Démocratie), Valérie Lossignol (Central, Centre culturel de La Louvière), Pascale Piérard et Caroline Renaud (Centre culturel Ourthe et Meuse), Julia Bailly et Liesbeth Vandersteene (ASTRAC)
    Avec Jean-Luc Piraux (comédien)
  • 11h: travail en ateliers
    « À la découverte des droits culturels »
    4 ateliers de mise en jeu et en mouvement des 8 droits culturels pour défricher les notions clé du référentiel
    Animation: Morgane Degrijse et Maryline Le Corre (Culture & Démocratie), Valérie Lossignol, Pascale Piérard et Nora Marcolungo (Centre culturel Ourthe et Meuse), Julia Bailly et Liesbeth Vandersteene.
  • 13h: pause repas
  • 13h20 (facultatif): ateliers libres du midi
    Au menu; participation à la carte:
    – – Balade culturelle dans le quartier des Abattoirs. Proposée par le Centre culturel de Namur
    – – Témoignage par Jean-Luc Piraux sur son travail pendant le confinement
    – – Mise en réseau. Mieux se connaître entre participants et commencer à échanger sur ses pratiques liées aux droits culturels. Animation: Julia Bailly
    – – Le cycle de travail « Cultiver les droits culturels ». Présentation du projet et de la démarche Paideia par Morgane Degrijse et Liesbeth Vandersteene
  • 14h30: poursuite du travail en ateliers
    « À la découverte des droits culturels »
  • 16h40: clôture de la journée
    Retour de Jean-Luc Piraux sur le travail en ateliers.
    Suite du processus par Valérie Lossignol.

Infos pratiques
  • Pour qui ? Pour chaque acteur·ice de terrain intéressé·e. Pour les professionnel·les de la culture, de l’éducation permanente, de l’action sociale… et leurs complices.
  • Quand ? Le mardi 16 novembre 2021, de 9h30 (accueil dès 9h) à 17h
  • Où ? Aux Abattoirs de Bomel (Centre culturel de Namur), Traverse des Muses 18, 5000 Namur
  • Participation financière : 15 euros par personne à payer sur le compte de l’ASTRAC (BE41 0682 1353 4110) avec la communication « Cultiver les droits culturels 16/11 – inscription + NOM et Prénom »
  • Inscriptions à la première journée pour le 9 novembre au plus tard. Il n’est pas nécessaire (mais intéressant) d’assister aux 5 rencontres.

Pour garantir la qualité des échanges, le nombre de participant·es est limité à 100 personnes : les inscriptions sont désormais clôturées.


* La démarche Paideia du Réseau Culture 21 (France) propose depuis 2012 un accompagnement pour analyser et faire évoluer les pratiques professionnelles des acteurs publics et associatifs au regard des droits culturels tels qu’ils sont explicités dans la Déclaration de Fribourg (2007).