Le plaidoyer pour les droits culturels : entre local et international

Au niveau international, les 7, 8 et 9 décembre derniers, a eu lieu à Bruxelles le dernier module de la formation-action Paideia du Réseau Culture 21, organisée sur place par la Plateforme d’observation des droits culturels et l’Astrac. La thématique de ce module portait sur le plaidoyer en faveur des droits culturels.

Les participant·es franco-belges ont pu échanger sur l’avancée de leur démarche locale respective ici en Fédération Wallonie-Bruxelles avec la Plateforme d’observation des droits culturels et l’Astrac, ainsi qu’à Rouen, Dunkerque, en Essonne, à Nantes, en région Auvergne-Rhône Alpes, en Drôme, à Lyon, à Paris.

Des participant·es externes belges ont été invité·es dans le cadre d’un forum ouvert autour des pratiques en matière de droits culturels. Les échanges d’expériences entre Belgique et France ont été riches et variés, qu’il s’agisse des enjeux de mobilisation et de culture commune autour des droits culturels, de la question de l’impact et de l’évaluation de l’effectivité des droits culturels, des tensions entre management et droits culturels, etc. Le lendemain, des exposés autour du plaidoyer, de l’interdépendance et l’indivisibilité des droits fondamentaux ont été partagés par Mylène Bidault et Patrice Meyer-Bisch de l’Observatoire de la diversité et des droits culturels à Fribourg, ainsi que Dragana Korljan qui officie au Haut-Commissariat des Droits humains aux Nations Unies à Genève. Des ateliers thématiques autour des dimensions culturelles des autres droits humains ont été déployés avec des interventions de Laurence Cuny et Jean-Pierre Chrétien-Goni autour des libertés artistiques, de Magali Ramel autour des droits à l’alimentation, d’Anne-Catherine Lorrain autour du numérique et des biens communs, de Christine Mahy autour de la grande pauvreté et l’accès aux droits de base, de Basil Gomes autour du droit à l’identité linguistique et culturelle des personnes sourdes.

Le mercredi 7 en soirée, les participant·es ont pu écouter des chargé·es de projet du centre culturel de Forest, le Brass, et du centre culturel d’Evere, l’Entrela’. L’occasion a été prise pour partager autour d’actions visant à plus grande effectivité des droits culturels que ce soit Ecran total avec des jeunes et en milieu numérique au Brass, ou le Quartier durable City Zen avec des citoyen·nes autour d’un potager collectif avec l’Entrela’.

Avec cette dimension internationale, nous croisons la dimension locale du territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles dans lequel s’inscrit la Plateforme avec la recherche participative menée avec les Centres culturels de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour insister sur le plaidoyer pour les droits culturels et à la suite de notre article « Les droits culturels au coeur des politiques culturelles? » et du rapport « Un futur pour la culture » de juillet 2020, nous reprenons en ce sens le discours que Mme Bénédicte Linard, Ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles a énoncé lors de la journée de l’éducation permanente ce vendredi 21 octobre 2022 à la Marlagne. Ce discours appuie l’importance des droits culturels et leur diffusion à travers les politiques culturelles des différents secteurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en particulier l’éducation permanente. Un bel exemple de plaidoyer en faveur des droits culturels !

« Bonjour à toutes, bonjour à tous,

La dernière « Journée de l’éducation permanente » a eu lieu en 2014. Il y a
donc presque 10 ans. En une décennie, notre monde, notre société a été
radicalement bouleversée.

Peu d’entre nous auraient pu il y a 10 ans prévoir la crise sanitaire que nous
avons traversée et qui nous a toutes et tous profondément marqués. Qui aurait pu imaginer qu’elle serait suivie d’une invasion de la Russie en Ukraine, engendrant une crise énergétique inédite.

Crise sociale, crise démocratique, crise climatique… Ces crises successives ont un impact majeur sur notre société, sur nos relations aux autres, sur notre démocratie, sur notre « vivre ensemble ». Elles nous obligent à redéfinir nos priorités, elles nous obligent à repenser notre rapport aux autres et au monde. Non, on ne peut pas continuer à faire « comme on a toujours fait ».

Je sais que beaucoup d’entre vous attendaient cette journée. Je suis
convaincue que le secteur avait ce besoin de se réunir, de « faire corps« 
ensemble. Une rencontre « en vrai », loin des écrans, qui permet ces échanges informels et pourtant oh combien importants. C’est le premier objectif de cette Journée.

C’est la première fois que cette journée est organisée grâce à une collaboration entre le Service, la Fédération sectorielle (FESEFA), le Bureau du Conseil Supérieur de l’Éducation Permanente et l’Inspection. J’ai eu l’écho d’une bonne ambiance de travail. Je me réjouis de cette belle collaboration et félicite les organisatrices et les organisateurs pour le riche programme de cette journée !

Cette Journée a aussi été conçue dans la perspective de l’organisation d’une
seconde, « en rebond » à celle-ci, l’an prochain. Il ne faudra donc pas attendre 10 ans pour nous retrouver. C’est plutôt une bonne nouvelle !

Franck Lepage, dans sa conférence gesticulée « L’éducation populaire,
monsieur, ils n’en ont pas voulu » raconte comment, en France, l’éducation
populaire a été exclue du Ministère de la Culture et ce dès sa création.

Ce n’est pas le cas en Fédération Wallonie Bruxelles, et c’est une très bonne
chose !

Cela signifie que la critique de la société, la critique du pouvoir, les luttes sociales, politiques, environnementales ont une dimension culturelle. Cette présence de l’éducation permanente au sein de mes compétences de ministre de la Culture signifie que la culture de la démocratie est une des fonctions essentielles des politiques culturelles.

Vous le savez mieux que moi, l’Éducation permanente est un des secteurs
culturels qui est le plus en contact avec les autres politiques publiques – le logement, la santé, le milieu carcéral, le travail social, l’alimentation,
l’enseignement, l’environnement, – et ce secteur est traversé par des questions de société majeures : les luttes contre les discriminations, la décolonisation, la lutte contre la pauvreté…

L’Éducation permanente a, en quelque sorte, un pied dans la culture et un pied dans les autres politiques publiques, ce qui lui donne la capacité de ramener au centre des préoccupations de l’ensemble des secteurs culturels, les luttes, les combats de l’ensemble de la société… Et, de la sorte, garantir que jamais le secteur culturel ne « sera hors sol », que jamais la fonction des politiques culturelles ne soient simplement celles de « vernir » et cacher les rugosités, les aspérités, les conflits de notre société. Ces rugosités, ces aspérités, ces conflits doivent être « apparents », ils doivent être abordés, questionnés, débattus et mis en lumière pour que la démocratie fonctionne.

L’Éducation permanente est fondamentalement un secteur de « contre-
pouvoir »
, il permet que le pouvoir politique ait face à lui des interlocutrices et interlocuteurs structurés, vigilants, issus de la société civile.

L’Éducation permanente consolide, renforce, arme la société civile, le tissu associatif, augmente ses capacités d’expression. En ce sens il est aussi une réponse à la crise de la représentativité et de la confiance envers le monde politique que traverse nos systèmes démocratiques.

Au sein de l’éducation permanente, chacun est reconnu comme autrice et
auteur de changement, et ce secteur fait vivre un espace de débat entre les citoyennes, les citoyens et les décideurs politiques.

J’invite donc les associations d’Éducation permanente à chercher toujours plus le contact et à travailler dans le cadre de partenariats avec d’autres opérateurs culturels et à y infuser leurs logiques d’action participative. Chacun a à y gagner.

La présence de la présidente du Conseil supérieur de l’éducation permanente au Conseil Supérieur de la Culture vise à établir cette porosité entre le secteur de l’EP et les autres secteurs de la culture qu’on a eu trop tendance à séparer. Et je salue d’ailleurs la présence aujourd’hui de la vice-présidente du CSC, un indice qui montre que cette transversalité, ce décloisonnement, devient concret.

Mon souhait, c’est de voir naitre toujours plus de partenariats et de
transversalité entre des associations d’éducation permanente et des
bibliothèques, des musées, des théâtres, des compagnies, des artistes, etc.
C’est ce qui a été proposé par les deux appels à projet “Un futur pour la
culture” ouverts à tous les acteurs culturels, y compris l’éducation permanente.

Je le disais, l’éducation permanente entre pleinement dans les politiques culturelles, et en tant que Ministre de la Culture, je veux marquer mon action en œuvrant à décloisonner ce secteur culturel.

Outre la question de la transversalité, vous le savez, depuis que je suis Ministre de la Culture, la question de l’accès à la culture est aussi une de mes priorités.

Mais cette question – et c’est important ! – je ne l’aborde pas uniquement
comme l’accès à des spectacles, des expositions, des concerts, via un travail de médiation. Il est en effet essentiel que cet accès à la culture soit entendu
comme une participation, comme un accès aux moyens d’expression culturelle pour le plus grand nombre et notamment pour les personnes minorisées.

Je terminerai en rappelant qu’il y a en Belgique francophone une véritable
culture de l’Éducation permanente, un héritage, un ancrage que beaucoup nous jalousent. Cet héritage, nous devons en être fiers et le valoriser.

L’éducation permanente est à mes yeux un enjeu primordial dans notre
démocratie, et elle a toute sa place au cœur de nos politiques culturelles.
Travailler « au rapprochement entre les lieux de décision et les personnes », c’est d’ailleurs en ces termes que le Conseil Supérieur de l’Éducation
permanente identifie la mission des associations d’Éducation permanente. C’est aujourd’hui un enjeu démocratique majeur, dans un contexte où il nous faut recréer du lien, au sein de la société, ainsi qu’entre les
citoyennes et citoyens et le monde politique,
face aux nombreuses crises et enjeux actuels majeurs.

Je vous remercie. »

Bénédicte Linard, ministre de la Culture et vice-Présidente du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles

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